Il est aujourd’hui communément accepté que l’accès au lexique ne soit pas sélectif à la langue en cours d’utilisation. En revanche, les connaissances dans le domaine de la syntaxe sont beaucoup moins avancées. Des études observationnelles de production ont rapporté de nombreux exemples d’emprunts syntaxiques entre langues chez l’enfant bilingue, emprunts qui persistent à l’âge adulte. Dans l’étude présentée ici, nous avons testé pour la première fois si de tels effets de co-activation syntaxique entre langues existent aussi en compréhension, dans le cas des bilingues précoces de haute fluence. Nous avons utilisé les potentiels évoqués et un paradigme de décision binaire susceptible de moduler l’amplitude de la composante N2 pour montrer que des participants bilingues gallois-anglais sont prêts à accepter un adjectif en position post-nominale dans une phrase en anglais, alors que cette séquence n’est pas grammaticale dans cette langue. Cet effet, absent dans le groupe contrôle de participants monolingues anglais, peut être interprété comme le résultat de l’activation de la grammaire galloise, étant donné que la position de l’adjectif est post-nominale en gallois. Nos résultats permettent de proposer que l’activation des systèmes syntaxiques est non-sélective chez le bilingue précoce pendant la compréhension de phrases écrites.
